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"Le passé se prélasse derrière nous sans qu'on puisse se retourner."

 

Célor Chapelle

"La souffrance est parfois plus délicate que l'abandon."

 

Célor Chapelle

"Si vivre comme un Dieu c'est vivre comme un homme alors mon choix est fait."

Célor Chapelle

"L'homme est la seule créature qui refuse d'être ce qu'elle est."

Albert Camus

"L’habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même."

Albert Camus

"Dieu lui-même croit à la publicité : il a mis des cloches dans les églises."

Aurélien Scholl

Rêve

Peinture de Halingre qui a inspirer le décor du texte.
Peinture de Halingre qui a inspirer le décor du texte.

Rêve

Je me lève de mon lit. Je sors de ma chambre à demi éveillé. Je pousse doucement la porte pour ne pas faire trop de bruit. Je sens mon peignoir se frotter sur mon bras. La lumière est allumée dans le couloir. Je marche vers la salle de bain mais je vois que les lampes ne sont pas éteintes en bas. Alors je me dirige vers l'escalier et descend, lentement.

A la moitié, je vois que l'escalier n'est plus le même. Je me retourne. Il n'y a plus de couloir derrière moi, plus de salle de bain, plus de chambre, juste un mur avec une grande fenêtre. Je regarde en bas, au lieu de tourner, l'escalier est tout droit et un tissu rouge recouvre les marches. Devant moi, s'étend un long corridor en pierre. Le mur qui se trouve à ma gauche s'efface peu à peu laissant apparaître à deux mètres un second escalier, le même que le mien, mais différent : une mousse épaisse a poussé par endroits et il y a même quelques fleurs. Un vide me sépare de l'autre rive. Les murs du couloir se fendent et des petites fenêtres s'insèrent dans les fissures. La lumière disparaît pour revivre dans de petits lampadaires naissant sur les murs. Je regarde émerveillé les lieux évoluer.

-Bonjour.

J'ai un léger sursaut.

-Oh, je t'ai fais peur, désolé, s'empresse-t-elle d'ajouter.

Je me retourne et j'observe la jeune fille, de l'autre côté, inatteignable. Elle doit avoir quinze ans. Ses cheveux transparents coulent le long de ses épaules et viennent flotter près de ses hanches. Elle a un regard empli d'innocence mais qui a cette tendresse de celle qui a vu bien des choses.

« Une âme pure, comme c'est rare, pensé-je. »

-Bonjour !

Elle me sourit.

-Moi, je vis ici et toi, que fais-tu ici ?

-Je ne sais pas petite mademoiselle.

Elle se retourne et se dirige vers la fenêtre.

-C'est beau comme nom « petite mademoiselle ». C'est comme si j'étais déjà une grande personne et que je restais jeune. Merci.

Elle m'intrigue.

-Pourquoi tes cheveux sont-ils transparents ?

-Tu es le seul a pouvoir répondre à cette question.

-Comment ça ?

-Tu es le seul, c'est tout.

Je l'observe et même de dos elle dégage une assurance inconnue. Pourquoi parle-t-elle sans donner ni réponses ni suppositions comme un mur blanc.

-Où sommes-nous, demandé-je ?

-C'est mal formulé comme question. Car tu es à un endroit et moi à un autre. Et à partir de là, si tu poses la question de l'endroit où tu es, se serait très individualiste et si tu te demandes où je suis, se serait trop personnel. Ne serait-il pas mieux de ne pas se poser ces questions ?

Je reste bouche bée. Elle vient de me couper véritablement la parole.

-D'accord petite mademoiselle.

-C'est vrai que ça me va bien, dit-elle se retournant. J'aime bien quand tu m’appelles comme ça. J'aurai aimé que tu le fasses depuis le début.

-Je ne l'ai pas fait ?

-Non, répond-elle, sèche. Ensuite, elle se retourne vers la fenêtre.

Je descend l'escalier jusqu'en bas.

-Que regardes-tu pas la fenêtre ?

-Ce que tu regardes tout les jours d'une autre fenêtre.

Je reste figé en bas des marches. Je ne comprend pas.

-Tu sais, je vois toujours ce que tu vois, je ressens ce que tu ressens, et cetera complète-t-elle.

-Qui es-tu ?

Elle laisse un temps avant de répondre.

-C'est un peu impoli comme question ou plutôt intrusif. Pose en donc d'autres.

-Pourquoi es-tu de ce côté et moi ici ? Je préférerai être près de toi.

-Je l'aimerai aussi, mais le gouffre nous sépare.

-Il y a bien un moyen de le franchir ?

-J'en connais un, mais je ne peux pas l'utiliser.

-Moi je le pourrai ?

-Oui, répond-elle, simplement.

-Quel est ce moyen.

-Tu rêve, ne l'as tu remarqué ?

-Oui. Et alors.

-C'est toi qui rêve, pas moi.

-C'est vrai. Donc, je dois inventer ce moyen de passer.

Je m'assied les jambes dans le vide.

-Pas tout à fait, tu dois l'écrire.

-Mais où ?

-Tu vois le livre près de mon escalier. Il m'arrive de le lire pendant des heures et ensuite de recommencer. Tu as le même de ton côté.

Je me retourne et je vois effectivement un livre, soigneusement posé contre la première marche. La couverture est noire et il semble avoir déjà été ouvert. Je me couche sur le ventre pour l'attraper. Je le soulève et un crayon roule sur les pierres. Je m'en saisi. Je le sens dur et lisse entre mes doigts. Je relève la tête et m'adresse à nouveau à elle.

-Tu en as un aussi ?

-Non, moi je n'en ai pas, je ne sais pas écrire de toute façon, à quoi me servirai-t-il ?

Elle ne sais pas écrire, je n'en revient pas. Comment ne peut-elle pas écrire ?

Je tourne de nombreuses pages déjà remplies et numérotées. J'arrive à la page cent quarante-six, la dernière page remplie. C'est mon écriture sur les pages, comme-ci j'étais déjà venu. Perturbé, je commence à écrire quelques mots. « Rêve, vie étonnante qu'on ne contrôle pas. »

-C'est beau ce que tu écris.

Je lève la tête, elle a le livre entre ses mains et elle lit.

-Ce que j'écris ?

-Oui, la phrase là, à la page cent quarante-sept : « Rêve, vie étonnante qu'on ne contrôle pas ».

« Où suis-je ? ».

Le rêve.

Quel rêve ?

Le rêve d'un ado. (Nécessairement.) Un ado du genre intérieur. (Un peu comme toi j'imagine.) Effectivement. (Tu es bien peu modeste quand tu écrits.) Je le sais et je l'assume. (En soi, c'est bien que tu le saches, mais fais attention.) Je fais de mon mieux pour le diminuer, mais je n'y arrive pas. (Si tu essayes de le diminuer, c'est que tu ne l'assumes pas.) Ça aussi je le sais, et là, j'assume.

Lieu ?

Un lieu inconnu, directement sortit de son imagination

Personnages ?

Lui et ceux qu'il s'inventera.

Objets ?

Euh...

Symbolisme ?

Ceux qui seront là en auront.

Pour qui ?

Pour lui et ceux qui seront là.

Afin de ?

De se pardonner, de (sur)vivre.

Car ?

Il le doit, vivre n'est pas un choix, c'est un devoir et il doit l'accomplir.